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PEER GYNT
BALLON

Fi donc !

TROMPETERSTRAHLE

Peste, l’ami Gynt !…

PEER GYNT

L’entreprise vous semble d’une morale hasardée ? Eh ! tel a bien été mon propre sentiment. Je la trouvais même absolument odieuse. Mais, voyez-vous, une fois le premier pas franchi, il en coûte de retirer son épingle du jeu. Il est difficile de couper court, tout d’un coup, à une affaire où des milliers d’intérêts se trouvent engagés. En général, il me répugne de couper court. J’avoue cependant n’avoir jamais été indifférent à ce qu’on appelle les conséquences finales. Chaque fois que j’ai passé les bornes du permis, je m’en suis senti quelque peu incommodé. Et puis je commençais à vieillir ; je frisais la cinquantaine et voyais mes cheveux grisonner peu à peu. Tout en jouissant d’une parfaite santé, j’étais, de temps en temps, obsédé par une idée pénible. « Qui sait, me demandai-je, quand doit sonner l’heure des grandes assises qui sépareront les boucs des agneaux ? » Que faire ? Je ne pouvais discontinuer mon trafic de Chine. Je cherchai donc un biais et nouai, avec ce pays, des relations d’une autre espèce. Tous les printemps, je continuai à lui four-