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UNE MAISON DE POUPÉE

Madame Linde.

Avez-vous cru réellement cela, Krogstad ?

Krogstad.

Si ce n’était ainsi, pourquoi m’avez-vous écrit comme vous l’avez fait ?

Madame Linde.

Je ne pouvais agir autrement. Décidée à rompre, je devais arracher de votre cœur tout ce qu’il éprouvait pour moi.

Krogstad, se frottant les mains.

Ah ! c’est cela. Et tout ça pour une question d’argent !

Madame Linde.

Vous ne devez pas oublier que j’avais alors à soutenir une mère et deux petits frères. Nous ne pouvions vous attendre. Vous n’aviez alors que des espérances si lointaines.

Krogstad.

À supposer même qu’il en fût ainsi, vous n’aviez pas le droit de me repousser pour un autre.

Madame Linde.

Je ne sais… Je me le suis demandé bien des fois.

Krogstad, baissant la voix.

Quand vous fûtes perdue pour moi, ce fut comme si la terre avait manqué sous mes pieds. Regardez-moi, je suis un naufragé cramponné à une planche.

Madame Linde.

Peut-être le salut n’est-il pas loin ?

Krogstad.

Il était là, et vous êtes venu me l’arracher.

Madame Linde.

Je n’ai été mêlée en rien à ce qui s’est passé. Aujourd’hui seulement, j’ai su que celui que j’allais remplacer à la banque c’était vous.