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UNE MAISON DE POUPÉE

Helmer.

Tu ne m’aimais pas.

Nora.

C’est vrai. C’est en effet le nœud de tout.

Helmer.

Nora ! Et c’est ainsi que tu me le dis ?

Nora.

Je le regrette, Torvald, parce que tu as été bon pour moi. Mais qu’y faire ? Je ne t’aime pas.

Helmer, faisant des efforts pour demeurer calme.

De cela, je suppose, tu es aussi parfaitement convaincue.

Nora.

Absolument. Et c’est pour cela que je ne veux pas rester ici davantage.

Helmer.

Et comment peux-tu m’expliquer comment j’ai perdu ton amour ?

Nora.

C’est très simple. C’est l’œuvre de cette nuit, quand j’ai vu que le prodige attendu ne se produisait pas, alors j’ai compris que tu n’étais pas l’homme que je croyais.

Helmer.

Explique-toi, je ne te comprends pas.

Nora.

Pendant huit ans j’ai attendu tranquillement. Je savais parfaitement que les prodiges ne s’accomplissent pas tous les jours. Enfin, ce moment d’angoisse est arrivé. « Maintenant le prodige va s’accomplir » me disais-je. Tant que la lettre de Krogstad a été dans la boîte aux lettres, je n’ai pas pensé une minute que tu serais obligé de subir les exigences de cet homme. Je croyais ferme-