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LA COUSINE JANE

Elle nous emmenait au concert de temps en temps, quand on lui donnait une loge de cinq places dont elle nous faisait profiter. Pour les music-halls chics, principalement, et le billet venait de son patron qui fournissait les plumes pour les coiffures et les costumes d’oiseaux des vedettes et de la grande figuration.

Elle me parlait sans aménité. Mon air godiche lui déplaisait visiblement, et comme je le sentais, cela ne mettait de moins en moins en confiance avec elle et m’eût enlevé mon peu d’à-plomb si j’en avais eu le moindrement. Je souffrais de me voir dédaignée de cette belle cousine, qui faisait sur moi tant d’impression et, qu’à l’imitation de mes parents, je regardais comme une femme supérieure sous tous les rapports. Je souffrais de me voir traiter constamment comme une gosse ne présentant aucun intérêt. Sûrement, telle était son opinion à mon sujet et ce qui me le prouvait bien, c’est qu’à chaque instant, quand nous étions toutes les deux, maman occupée de son côté et papa non encore arrivé, elle me parlait de fessées. De fessées, que je méritais, disait-elle, pour me tenir comme cela, le dos rond. Pour me coiffer avec si peu de goût, pour me ronger les ongles ou pour je ne sais quoi encore. À l’entendre, c’est tout le temps que j’en eusse mérité et cela m’eût fait du bien d’être secouée un peu. Elle le disait à maman devant moi et cela me vexait encore davantage. Elle me donnait des tapes sur ma jupe, comme si ses paroles avaient eu besoin du geste pour être claires et elle riait, en se moquant, de me trouver, par là, à ce point dénuée de relief. Elle me demandait, les yeux dans les miens, ce