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BRASSÉE DE FAITS

juvénile et vous vous tromperiez fort en me supposant à quatorze ans le moindrement, je ne dirai même pas vicieuse, mais avertie.

Oui, simplement avertie, je ne l’étais pas. Occupée uniquement de mes examens, je me livrais passionnément à l’étude qui accaparait toute mon ardeur et toutes mes facultés. Je n’étais pas sans savoir en quoi consistait l’acte de la génération, mais j’ignorais absolument que, chez l’homme et chez la femme, il s’accompagnât de plaisir. Je le croyais l’accomplissement pur et simple d’une fonction strictement physique, animale. Ma mère professeur de piano, m’élevait d’une façon assez austère, — veuve d’un musicien-pianiste également, mort depuis cinq ans. Nous ne fréquentions guère que la famille de ma mère, famille pieuse et assez rigide.

Au sortir de l’école communale, à treize ans, je devins élève du cours des demoiselles Langlois, rue de la Tour ; j’y préparai le brevet élémentaire, puis le brevet supérieur. Nous étions de quinze à dix-huit élèves dans ce cours bien connu à Auteuil. Avec les deux sœurs Langlois, quatre autres professeurs dames y enseignaient selon leur spécialité, le français, les sciences, l’anglais, le dessin, le piano. Comme condisciples, j’avais de petites bourgeoises de mon genre, quelques-unes plus aisées, toutes également bien élevées, bien pensantes. Aucun mot malséant ne s’entendait là, pas plus qu’au sein de nos familles et, en grandissant dans de tels milieux, je n’acquérais aucune mauvaise idée résultant de fâcheux exemples.