Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/323

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JOHN BULL.


Un vieux conte, sorti d’un vieux crâne chenu,
D’un bon vieux gentleman au large revenu,
Qui tenait comme un roi sa maison moyen âge ;
Avait, pour soulager l’indigent au passage,
Un antique portier ; une chambre où les ans
Avaient accumulé de vieux livres savans ;
Et puis un chapelain bien vieux, bien respectable,
Que son aspect déjà rendait reconnaissable ;
Office à demi-porte, oscillant sur ses gonds ;
Vieille cuisine avec cinq, six chefs vieux barbons.

Vieilles rimes.


Il n’est pas de genre de plaisanterie où les Anglais excellent davantage que dans celui qui consiste à charger, à donner de burlesques appellations, des sobriquets. C’est ainsi qu’ils ont bizarrement désigné, non pas seulement des individus, mais des nations ; et dans le plaisir qu’ils éprouvent à lancer un bon mot, ils ne se sont même pas épargnés eux-mêmes. On pourrait croire qu’en se personnifiant elle-même une nation serait portée à peindre quelque chose de grand, d’héroïque et d’imposant ; mais c’est un trait caractéristique de la tournure d’esprit particulière des Anglais et de leur amour pour ce qui est rond, plaisant et familier, qu’ils ont incarné leurs bizarreries nationales dans un robuste et corpulent vieux drille au chapeau à trois cornes, au gilet rouge, à la culotte de peau, et au solide gourdin de chêne. Ils ont pris un singulier plaisir à faire montre de leurs faibles les plus secrets sous un jour comique ; et ils ont été si heureux dans leur portraiture, qu’il n’est peut-être pas d’être réel plus absolument présent à l’esprit public que cet excentrique personnage : John Bull.

Peut-être la perpétuelle contemplation du caractère dont on les revêtait a-t-elle contribué à le fixer sur la nation et à donner de la réalité à ce qui d’abord pouvait, en grande partie, avoir été