Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/335

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L’ORGUEIL DU VILLAGE.


Puisse nul loup hurler, ni fresaie agiter
Lugubrement son aile, autour de cette pierre !
Que l’orage et les vents oublient de visiter,
De glacer ou flétrir le petit, coin de terre
Où tranquille tu dors ; mais que, jet abondant,
L’amour vienne aviver son aspect florissant !

Herrick.


Dans le cours d’une excursion à travers un des comtés reculés de l’Angleterre, ayant pris un de ces chemins de traverse qui font parcourir les parties les plus solitaires de la contrée, je tombai une après-midi dans un village dont la situation champêtre et retirée offrait les plus grandes beautés. Il y avait, chez ses habitants, un air de simplicité naïve que l’on ne rencontre pas dans les villages qui se trouvent sur le bord des routes fréquentées par les voitures. Je résolus d’y passer la nuit ; après quoi, lesté d’un dîner prématuré, je partis en touriste pour jouir des sites environnants.

Ma promenade, comme il arrive d’ordinaire aux voyageurs, me conduisit bientôt à l’église, qui s’élevait à une petite distance du village. C’était vraiment un objet digne de curiosité ; sa vieille tour était entièrement recouverte de lierre ; çà et là seulement un arc-boutant en saillie, un angle de muraille grise, ou quelque ornement capricieusement sculpté, perçait à travers le rideau de verdure. Il faisait une soirée ravissante. La première partie du jour avait été sombre et pluvieuse, mais dans l’après-midi le temps s’était éclairci, et bien que des nuages sinistres fussent encore suspendus au-dessus de nos têtes, cependant il y avait à l’ouest une large bande de ciel doré, d’où le soleil couchant rayonnait à travers les feuilles humides de pluie et enveloppait la nature tout entière dans un mélancolique sourire. On eût dit l’heure dernière d’un bon chrétien qui sourit aux péchés