Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais surtout ne permettons pas que des sentiments de colère nous influencent au point de ne vouloir pas apercevoir ce qu’il y a de réellement excellent, de réellement aimable dans le caractère anglais. Nous sommes un peuple jeune, et nécessairement un peuple imitateur : il faut que nous tirions en grande partie nos exemples et nos modèles des nations existantes de l’Europe. Or il n’est pas de contrée qui soit plus digne de notre étude que l’Angleterre. L’esprit de sa constitution est éminemment analogue à l’esprit de la nôtre. Les mœurs de ses habitants — leur activité intellectuelle — leur liberté d’opinion — leur manière de voir sur ces sujets qui touchent aux intérêts les plus chers, aux jouissances les plus sacrées de la vie privée, sont toutes homogènes au caractère américain, et, dans le fait, sont toutes intrinséquement excellentes : car c’est dans le sentiment moral de la nation que reposent les solides fondements de la prospérité anglaise ; et, bien que le dessus de l’édifice puisse avoir été usé par le temps, ou avoir disparu sous les abus, il faut qu’il y ait quelque chose de bien ferme dans sa base, de bien admirable dans ses matériaux, de bien stable dans sa structure, pour qu’il soit, sans être ébranlé, resté si longtemps debout au milieu des tempêtes du monde.

Que nos écrivains mettent donc leur orgueil à repousser tous sentiments d’irritation, à dédaigner de rendre aux auteurs anglais illibéralité pour illibéralité ; qu’ils parlent de la nation anglaise sans préjugé, avec une constante ingénuité. On nous reproche la superstition aveugle avec laquelle quelques-uns de nos concitoyens admirent et imitent tout ce qui est anglais, uniquement parce que c’est anglais ; signalons cependant avec franchise ce qui est réellement digne d’approbation. Nous aurons alors devant les yeux l’Angleterre comme un livre de renseignements où nous pouvons puiser sans cesse, où sont enregistrées de saines déductions, fruit de bien des siècles d’expérience ; et c’est ainsi qu’en évitant les erreurs et les absurdités qui pourraient s’être glissées dans les feuillets, nous pourrons en tirer de précieuses maximes de sagesse pratique qui serviront à fortifier et orner notre caractère national.