Page:Isaac Newton - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, tome1.djvu/19

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Il eût été heureux pour ses amis qu’elle n’eût pas entrepris cet ouvrage dont les savants vont jouir. On peut dire d’elle, en déplorant sa destinée, periit arte sua.

Elle se crut frappée à mort longtemps avant le coup qui nous l’a enlevée : dès lors elle ne songea plus qu’à employer le peu de temps qu’elle prévoyait lui rester à finir ce qu’elle regardait comme la plus belle partie d’elle même. L’ardeur et l’opiniâtreté du travail, des veilles continuelles, dans un temps où le repos l’aurait sauvée, amenèrent enfin cette mort qu’elle avait prévue. Elle sentit sa fin approcher, et par un mélange singulier de sentiments qui semblaient se combattre, on la vit regretter la vie, et regarder la mort avec intrépidité : la douleur d’une séparation éternelle affligeait sensiblement son âme, et la Philosophie dont cette âme était remplie lui laissait tout son courage. Un homme qui s’arrachant tristement à sa famille qui le pleure, et qui fait tranquillement les préparatifs d’un long voyage, n’est que le faible portrait de sa douleur et de sa fermeté : de sorte que ceux qui furent les témoins de ses derniers moments sentaient doublement sa perte par leur propre affliction et par ses regrets, et admiraient en même temps la force de son esprit, qui mêlait à des regrets si touchants une constance si inébranlable.