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PRINCIPES MATHÉMATIQUES

du tout vient donc de l’extenſion, de la dureté, de l’impénétrabilité, de la mobilité, & de l’inertie des parties : d’où nous concluons que toutes les petites parties de tous les corps ſont étendues, dures, impénétrables, mobiles, & douées de la force d’inertie. Et c’eſt-là le fondement de toute la Phyſique.

De plus, nous ſçavons encore par les phénomenes, que les parties contigues des corps peuvent ſe ſéparer, & les Mathématiques font voir que les parties indiviſées les plus petites peuvent être diſtinguées l’une de l’autre par l’eſprit. On ignore encore ſi ces parties diſtinctes, & non diviſées, pourroient être ſéparées par les forces de la nature ; mais s’il étoit certain, par une ſeule expérience, qu’une des parties, qu’on regarde comme indiviſibles, eût ſouffert quelque diviſion en ſéparant ou briſant un corps dur quelconque : nous conclurions par cette regle, que non ſeulement les parties diviſées ſont ſéparables, mais que celles qui ſont indiviſées peuvent ſe diviſer à l’infini.

Enfin, puiſqu’il eſt conſtant par les expériences & par les obſervarions aſtronomiques, que tous les corps qui ſont près de la ſurface de la terre péſent ſur la terre, ſelon la quantité de leur matiere ; que la lune péſe ſur la terre à raiſon de ſa quantité de matiere, que notre mer péſe à ſon tour ſur la lune, que toutes les planettes péſent mutuellement les unes ſur les autres, & que les cométes péſent auſſi ſur le ſoleil, on peut conclure, ſuivant cette troiſiéme regle que tous les corps gravitent mutuellement les uns vers les autres. Et ce raiſonnement en faveur de la gravité univerſelle des corps, tiré des phénomenes, ſera plus fort que celui par lequel on conclut leur impénétrabilité : car nous n’avons aucune expérience ni aucune obſervation qui nous aſſure que les corps céleſtes ſont impénétrables. Cependant je n’affirme point que la gravité ſoit eſſentielle aux corps. Et je n’entends par la force qui réſide dans les corps, que la ſeule force d’inertie, laquelle eſt immuable ; au-lieu que la gravité diminue lorſqu’on s’éloigne de la terre.