Page:Isambert - Tableau historique des progrès de droit public et du droit des gens, 1832.djvu/263

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croire à votre religion d’État, que vous appelez purement civile ! Mais qui vous a donné le droit de tyranniser les consciences, d’ériger en crime des opinions innocentes ? Ne serait-ce pas là établir l’intolérance absolue ?

L’intolérance, en matière religieuse, a au moins une excuse, elle dérive d’un principe de charité mal appliqué. Nous croyons être les seuls croyans ; nous pensons que les dissidans compromettent leur bonheur dans l’autre vie ; nous voulons les sauver. Si nos efforts sont dirigés par la conviction et la bonne foi, nous pouvons être égarés, nous ne sommes pas coupables.

Sans doute les dogmes de la religion civile, tels qu’ils sont proposés par Rousseau, sont évidemment sages. La croyance de l’existence d’un Dieu, de l’immortalité de l’Arme, le bonheur des justes et le châtiment des méchans sont des vérités morales dont, pour notre compte, nous sommes fermement convaincus ; mais nous ne nous croirions pas autorisés à punir celui qui ne les admettrait pas. Nous plaindrions seulement son aveuglement ; nous tâcherions de le convaincre ; mais la persuasion seule devrait agir. Employer la force on l’intérêt, c’est recourir à cette raison, sur laquelle on dit qu’Henri IV embrassa la religion catholique ; raison qui, suivant Rousseau, devrait la faire quitter à tout honnête homme.