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de son caractère, et s’écria d’un air d’admiration ravie :

— Oh ! Zulma ! comme tu es jolie ce soir, mon petit bijou !

Les deux femmes échangèrent une demi-douzaine de ces longs baisers flûtés, presque indécents, qui équivalent à peu près, entre gens de théâtre, à une poignée de mains entre gens normaux.

— J’ai une migraine, ma chérie ! une migraine ! dit Zulma… T’es pas d’la grande pièce, toi. T’en as, d’la veine !

— Ça va passer… Amuse-toi bien, mon chéri…

Et Chonchette fila, joyeuse. Alors, regardant Zulma d’un air de compassion infinie, la grande Théréson lui dit :

— Si monsieur veut attendre un instant… Oh ! monsieur veut rire, sans doute… T’es pas dégoûtée, de lui lécher l’museau !

— Pourquoi ? demanda l’autre. Elle a bouffé d’l’arsenic, p’t-être bien ?

Théréson roula sa brochure, la déroula, la lissa un instant entre son genou et sa paume, puis déclara, lentement :

— T’à l’heure, elle a dit comme ça au patron qu’toutes les danseuses, c’était rien qu’des grues.

Zulma resta suffoquée. « Ah ben !… Ah ben !… » murmura-t-elle. Puis sans rien ajouter, elle fila vers l’escalier des loges, aussi vivement que si elle avait eu le feu au derrière.

La loge réservée au corps de ballet tout entier était faite de la moitié d’un corridor désaffecté, coupé en deux par une cloison de planches. Il est vrai que le corps de ballet ne comprenait que huit danseuses. Ces dames papotaient en enlevant leurs chapeaux ou leurs bottines, quand Zulma, de la porte, les salua