Aller au contenu

Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
par un beau dimanche

joyeusement Marie… Je trouve des fraises sur le donjon d’un château-fort !

Et le docteur garda pour lui ses conclusions sur le rôle de la féodalité dans révolution sociale, sachant trop bien que, selon la marche ordinaire des choses, les idées abstraites doivent céder le pas aux faits concrets, et que la joie de savoir et de comprendre ne prévaudra jamais, chez des êtres normalement constitués, sur le plaisir de cueillir quelques maigres fraises des bois, toutes vertes encore d’un côté, et de l’autre toutes blanchies déjà par la poussière.

Pendant ce temps-là, Walthère Hougnot s’ennuyait ferme. De cervelle trop peu meublée pour pouvoir se tenir compagnie à lui-même, il ne savait plus à quoi penser dès qu’il n’avait pas, sous la main, quelqu’un à critiquer ou à tracasser. Ayant fumé son cigare, puis fauché, à coups de canne rageurs, les fleurs champêtres qui croissaient à sa portée, il essaya pendant quelque temps de faire choir, à grands coups de talon, un étroit pan de mur qui semblait ne tenir debout que par miracle. Car la pente de son esprit le prédisposait à détruire comme elle en incite d’autres à édifier. Mais le pan de mur, tout vétuste qu’il parût, se trouva beaucoup plus solide que son adversaire n’était vigoureux. Hougnot cracha dessus, pour se venger noblement de sa déconvenue, puis, tant il se sentait désœuvré, malade d’ennui, conçut l’incroyable projet de se démontrer à lui-même sa vaillance et son intrépidité, en retournant sans escorte dans les caves du château-fort !

Il ralluma sa bougie, la brandit de la main gauche, et, serrant sa canne d’une dextre convulsive, passa sous la voûte avec l’allure héroïque d’un dompteur qui pénètre dans la cage aux lions.