Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/108

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veau militaire versa les quinze cents francs de droit d’admission à la maison d’incurables, en déposa neuf cents à l’économat, afin que sa mère adoptive pût se procurer quelques douceurs supplémentaires, puis, léger d’argent mais le cœur gros, il dit adieu à celle qu’il ne devait jamais revoir et rejoignit le bataillon de chasseurs de Vincennes, auquel le recrutement l’avait affecté.

Ce jour-là, on l’aurait bien étonné en lui annonçant qu’il commençait l’ascension à la fortune.

Et cependant rien n’était plus vrai.

Les chasseurs firent partie du corps expéditionnaire français envoyé au Mexique pour imposer aux habitants du pays un souverain dont ils ne voulaient pas.

Pariset, lui, fut blessé grièvement dans une rencontre avec les guérillas, durant la célèbre marche vers Puebla, et fut laissé pour mort sur le champ de bataille.

Ramassé par un hacendero (propriétaire d’une exploitation agricole) du voisinage, il demeura de longs mois entre la vie et le trépas. Enfin, il entra en convalescence, au moment où les troupes françaises, rappelées en Europe, cinglaient vers les côtes de France.

Certes, il eût pu se faire rapatrier ; mais, effet inattendu, son cœur était devenu Mexicain, et cela grâce à la présence d’une charmante señorita aux doux yeux noirs qui s’était improvisée sa garde-malade.

Il aima Juan Annina… Juan Annina aima Pariset… Et le mariage les unit.

Aucun calcul bas ne présida à cet hymen ; les bonnes fées des tendresses durent se réjouir en face du jeune couple aimant… Pourtant, ce mariage allait apporter à l’ex-chasseur de Vincennes une des grosses fortunes du monde.

De par des titres anciens, datant de l’époque lointaine de l’occupation espagnole (XVIe siècle). Juan Annina était propriétaire d’une partie de la longue presqu’île de Californie qui sépare l’océan Pacifique de la mer Vermeille.

Ce sont là d’immenses plaines se contournant en méandres capricieux autour de collines rocheuses jetées au hasard. Les Indiens Mayos sont les seuls habitants de la contrée et, selon toute probabilité, ils fussent demeurés les seuls, si Pariset n’avait épousé Juan Annina,