Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/139

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— Pauvre femme, murmura le marquis, ému par l’attitude de la mère de sa fiancée.

Par hasard ses yeux rencontrèrent ceux de Mme de Armencita et il ressentit comme une commotion.

Dans les regards de la comtesse, il lui avait semblé lire une amère ironie.

Mais Jemkins continua, rappelant à lui toute l’attention de Pierre :

— Lily, regardez cette jeune fille qui pleure devant vous.

— Je la regarde.

— Ses larmes ne vous disent-elles rien ?

La folle haussa les épaules, et d’un ton indifférent :

— Que disent les larmes ? Rien. C’est la grimace d’une souffrance. Laquelle ? Personne ne le saurait deviner. La mère qui a perdu son enfant, le gamin qui a perdu ses billes, versent des larmes pareilles… Que peuvent-elles dire ?… Sont-ce des gouttes d’eau montant du cœur qui se dessèche jusqu’à mourir ? Est-ce la rosée légère d’un simple dépit ?… Obscurité ! Doute ! Les larmes ne disent rien.

Tous écoutaient, stupéfiés par cette poésie d’expression particulière à certaines démences.

Frey seul conservait son calme :

— Soit, Lily, je ne prétends pas vous contrarier. Les larmes sont vides de signification par elles-mêmes. Mais parfois un mot les explique.

— Un mot, redit la veuve ainsi qu’un écho obéissant.

— Oui, un mot ; un nom par exemple… Ces pleurs qui vous paraissent indéchiffrables, je veux les souligner d’un nom, le nom le plus cher a votre esprit.

— Linérès ! soupira la jeune fille.

Mais brutalement l’Américain lui coupa la parole.

— Silence, petite cousine, silence, de par le diable. Est-ce que votre mère connaît ce nom d’emprunt de l’enfant trouvée, recueille par la bonté de la comtesse de Armencita ? Le nom dont je parle est celui qui vous fut donné à l’heure de votre naissance. C’est ce nom qui peut-être…

Et s’adressant de nouveau à Mme Pariset :

— Lily, reprit-il, n’aimez-vous pas le nom de Lilian ?

Ce fut un coup de théâtre.

La démente se dressa sur ses pieds, clamant d’une voix éperdue :

— Lilian ! ma fille !