Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/181

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« La veuve accourut aussitôt avec son empressement habituel.

« Et Jud fixe son regard sur elle, et elle s’endort presque aussitôt.

« Singulier sommeil, où elle parle, où elle répond aux questions que lui adresse Allan.

« Les gestes seuls sont bien restés en ma mémoire. Les mots se sont effacés, sauf quelques-uns. Peut-être étais-je trop jeune pour les comprendre : Gildow… mort… le Crâne… la police !

« Que signifiait cela ? Mystère… Je m’endormis !…

« Quand je m’éveillai, nous avions quitté Cincinnati. Le chemin de fer nous emportait à travers un pays inconnu.

« Jud Allan cachait mal son inquiétude.

« Aux stations, il observait les voyageurs montant ou descendant du train.

« Mais rien ne sembla donner raison à ses appréhensions inavouées ; sans encombre nous arrivâmes dans une grande ville où la température était beaucoup plus élevée qu’à Cincinnati. Je voyais des palmiers dans les jardins, des arbres que je ne connaissais pas et qui cependant ne m’étaient pas étrangers.

« Peut-être en avais-je vu durant la première période de ma vie.

« Jud me mit en pension, en dehors de la ville, au bord d’une rivière. J’appris, au bout de quelque temps, que ce cours d’eau était un des nombreux bras de l’immense delta du Mississipi, et que je me trouvais dans la banlieue de la Nouvelle-Orléans.

« Je ne voyais plus Jud que le dimanche. Parfois même, quinze jours se passaient sans qu’il parût.

« Trois ans s’écoulèrent ainsi.

— Trois ans, soupira Grace ! Pauvre chère, combien cela dût te sembler long !

— Non… Je travaillais beaucoup parce que, lorsque j’avais de bonnes notes, Jud se montrait heureux. Son visage, toujours soucieux, s’éclairait, et il me disait : « Travaille, travaille, petite sœur. Je veux que ma sœur soit toujours supérieure à la situation, quelle qu’elle soit, que l’avenir lui tient en réserve. »

« Peu à peu, l’aventure de Cincinnati s’effaçait de mon souvenir, quand, brusquement, un nouvel incident jeta dans mon cerveau le germe des réflexions dont je te présente les résultats.

— Un nouvel incident… Presse-toi. Nous serons arrivées à la pension avant que tu aies fini.