Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/21

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Il se tentait envahi par un trouble inexprimable. Le paysage désolé, éblouissant sous l’or du soleil, cette marmite bourdonnant sur le feu ainsi qu’un insecte géant, et surtout cette Gitane majestueuse sous ses haillons, tout cela revêtait une apparence fantastique qui devait nécessairement impressionner l’organisation nerveuse, affinée du jeune homme.

Soudain, Ramrah poussa un cri, dont Pierre fut secoué dans tout son être.

Elle éloigna brusquement la main qui maintenait l’ovale du métal sur le front de Chazelet, et lui présentant la plaque, sans y jeter les yeux elle-même, comme certaine de la réussite du prodige :

— Regarde celle que ta pensée aime.

À son tour, le Parisien eut une exclamation stupéfaite.

Sur la surface polie, tout à l’heure unie, une ravissante figure de jeune fille se dessinait maintenant.

Une figure pleine, blanche et rose, aux traits à la fois caractérisés et délicats, aux yeux d’un vert pâle d’une étrangeté prenante, et sur cela des cheveux d’un ton inédit d’or bruni.

L’expression de cette physionomie elle-même semblait double. Les yeux riaient, les lèvres disaient la mélancolie.

Il y avait là une beauté originale, bizarre, troublante, en dehors des règles convenues.

Pendant quelques minutes, le marquis demeura les yeux fixés sur la gracieuse image. Enfin, d’une voix incertaine, trahissant ainsi la gradation de pensées qui venait de s’effectuer en son cerveau, il demanda :

— Quel est son nom ?

La Gitane eut un geste triomphant.

— La jeune fille se montre donc sur le miroir magique ?

— Oui, oui… vois… Mais réponds. Son nom ?

Ramrah haussa les épaules.

— Je l’ignore… Je ne sais, moi, que ce que ton esprit a bien voulu révéler.

— Alors, tu ne connais pas l’endroit où elle est ?

L’interpellée secoua la tête.

— Non… Mais les lignes de ta main peuvent nous guider.

Elle avait repris la main gauche de Pierre de Chazelet, et semblait en considérer la paume.

— Tu as passé la plus grande partie de ta vie dans une grande ville, fit-elle enfin.