Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/213

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trine. L’embarcation va se mettre à sa poursuite. Il sera pris dans l’anfractuosité rocheuse comme un lapin en son terrier.

Et des bruits menaçants arrivent à ses oreilles.

C’est celui de lourds souliers frappant le fond de bois du canot ; celui des avirons armés sur les tolets.

Un effort désespéré le porte en avant. Il dépasse la pointe de granit. Ses persécuteurs ne peuvent plus le voir.

Mais qu’importe ! Ils approchent. Eux aussi vont doubler le cap escarpé ; le son rythmé des rames frappant l’eau l’avertit de leurs, mouvements.

Et il promène autour de lui un regard éperdu, cherchant vainement un trou, une fissure, ou il se puisse dissimuler. Durant quelques secondes, il connaît toutes les tortures du désespoir.

Profonde d’une trentaine de mètres, large de dix, la coupure, où il est enfermé, s’entoure de falaises verticales, hautes de cent pieds au moins.

Et dans l’obscurité, plus profonde en cet espace resserré, il semble que les flancs du rocher sont polis ; les aspérités se fondent, sont absorbées par les ténèbres.

Le bruit des rames devient plus distinct. L’ennemi va se montrer.

Est-ce que vraiment l’effort du gamin est destiné à demeurer inutile ? Est-ce qu’il va succomber, entraînant avec lui, dans la mort, la mignonne inconnue à laquelle il s’est dévoué ? Cette pensée le galvanise. Il s’enfonce dans le fjord sombre.

— Ah !

C’est un soupir d’espérance. La paroi n’est pas aussi régulière qu’elle le paraissait.

Voici un point où l’on pourrait peut-être se hisser… en risquant de se rompre les reins, cela est vrai ; mais, aux heures tragiques, on saisit la chance qui se présente, si faible, si aléatoire qu’elle soit.

Jud se cramponne au rocher. Il rampe, se hisse, utilisant comme points d’appui les moindres aspérités de la falaise.

Pourvu qu’il ait le temps d’atteindre un renflement rocheux qu’il discerne à quelques mètres au-dessus de sa tête.

Dans son désir de rester libre, il réalise des prodiges d’équilibre. Il réussit dans son invraisemblable ascension.

Il s’est glissé sur la protubérance remarquée. C’est