Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/23

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tend à Esterro. En route… Ce soir, je dois prendre le train à Avila, et être à Paris demain.

D’un coup de pied elle renversa la marmite, éparpilla les cendres, puis, se chargeant du récipient, bondit, avec une légèreté dont on ne l’eût pas crue capable, sur un amoncellement de pierres éboulées, et se perdit bientôt dans le fouillis des rocs.

CHAPITRE II

L’ENGRENAGE DU MERVEILLEUX


Rêvant, monologuant, tour à tour repoussant ou acceptant les fantastiques affirmations de la gitana, le marquis était rentré à la posada del Cid, vers six heures du soir.

À dame Olinda, qui selon sa coutume s’empressa auprès de lui, il enjoignit de servir son repas dans sa chambre, où il se retira aussitôt.

Il avait besoin d’être seul, de remettre un peu d’ordre dans ses idées.

Mais cela était plus difficile à réaliser qu’à dire.

En effet, les paroles bizarres, les discours de Ramrah perdaient beaucoup de leur valeur, à présent que la bohémienne n’était plus là.

S’il ne lui fût resté de sa rencontre que ce souvenir verbal, Pierre l’eût prestement chassé ; mais il y avait autre chose.

Une chose inexplicable et précise cependant.

Cette plaquette de métal sur laquelle se dessinait l’exquis visage d’une inconnue.

On plaisante les mots, on nie les pensées ; mais un disque métallique, une photographie sont des faits contre lesquels tout l’arsenal des négations vient se briser.

Le jeune homme s’assit près de la fenêtre, tournant le dos à la pesante Olinda qui dressait le couvert. Oh ! bien simple le couvert. Pas de nappe ; ce luxe est inconnu dans les posadas… Des assiettes grossières, un plat de terre brune où nageait un ragoût de viande noirâtre avec des quartiers de tomate, des fèves et des poivrons (piments verts relativement doux). Enfin, un flacon de vin épais que son transport dans des outres de peau de bouc avait agrémenté d’un « bouquet » peu recommandable.

Et cependant, la forte commère paraissait ravie de