Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/278

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Il plia le papier, le glissa dans une enveloppe qu’il ne cacheta point.

— Voici, Tril. Tu peux lire. C’est la meilleure réponse qu’il me soit permis de faire à ta question de tout à l’heure.

L’enfant rougit de plaisir. On eût cru qu’il allait s’agenouiller. Mais, d’un coup d’ongle, il fit sauter une larme prête à tomber de ses yeux, et se dirigeant vers la porte :

— Je pars, roi. Sois tranquille, personne ne rapportera à Jemkins que Tril est entré à la Maison-Blanche.

La double porte était retombée sur lui. Jud demeurait seul.

— Allons, murmura-t-il. Mes « petits sujets », — il y eut une infinie tristesse dans son intonation, — mes petits sujets me restent. C’est avec eux qu’il faut vaincre.

Il s’arrêta, surpris, la porte venait de tourner sans bruit sur ses gonds. Une fillette de treize à quatorze ans, ayant les manches de lustrine des dactylographes, apparut sur le seuil. Elle se montrait mignonne, petite, frêle. Son visage maigre, pâle, où de grands yeux noirs prenaient une importance exagérée, décelait les privations de la misère, qui arrête le développement physique, qui appauvrit le sang des enfances misérables.

— C’est moi, roi, fit-elle d’une voix douce, légèrement voilée.

— Toi, petite Suzan, pourquoi as-tu quitté ta machine à écrire ?

— Tril m’a chargé de te dire qu’il était en route.

— Ah ! sans être filé ?

— Oh ! il n’y a pas de danger. Ceux qui te guettent sont toujours dans la rue.

— Et Tril !

— Lui, il a passé la cour, escaladé le mur d’une cour voisine, et il a gagné la rue de l’autre côté du pâté de maisons.

Allan eut un hochement de tête approbateur. Son jeune messager n’avait négligé aucune précaution.

— C’est bien, Suzan ; je te remercie, mon enfant ; retourne à ton travail.

Mais Suzan s’avança d’un pas, joignit ses mains menues.

— Roi, dit-elle… Je mendiais ; une méchante femme me battait quand la recette ne lui semblait pas assez forte. Tu m’as amenée ici… On m’a appris