Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/284

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Déjà, le professeur ouvrait la bouche pour interroger son interlocuteur, quand une voix sonore, qu’il reconnut aussitôt, lui enleva la parole :

— Le professeur Jud Allan, j’imagine ? Mon cher bientôt cousin de Chazelet, puisque vous êtes en accointance avec ce gentleman, veuillez donc faire une présentation.

Jud s’était déjà ressaisi :

— Inutile. Qui ne connaît le célèbre Frey Jemkins ?

— Ah ! persifla l’herculéen milliardaire, on croit me connaître ?

— Non, non, répondit, le professeur sur le même ton, on est sûr de vous connaître… Rien de surprenant à cela. La cime d’une haute montagne est familière à la population du pays environnant, tandis que la taupinière est ignorée du plus grand nombre.

— Doublement modeste ; car votre mérite n’est un mystère que pour vous. C’est même votre réputation qui m’a donné le désir de vous rencontrer. J’ai su vos très curieuses expériences de sans fil, et j’ai pensé qu’un homme de votre valeur intellectuelle, et un homme de ma valeur financière, pourraient, quelque jour, trouver intérêt à marcher de concert.

Les regards des deux antagonistes restaient souriants. Rien ne trahissait la haine violente qui les animait l’un contre l’autre. Si bien que Chazelet, trompé par les apparences, s’écria :

— Voilà qui est tout à fait bien. Je suis ravi de vous voir dans ces dispositions.

Mais, sans transition, Allan prononça, les yeux rivés sur ceux du sénateur :

— M. de Chazelet m’apprenait à l’instant qu’il a été présenté aujourd’hui à ma Lilian.

Pas un muscle de la face de Jemkins ne tressaillit.

— C’est exact, fit-il avec une indifférence si parfaitement jouée, que Jud en demeura un moment déconcerté. Pierre et moi, lui fûmes présentés ce matin, bien contre son gré, la chère enfant !

L’ahurissement d’Allan n’eut plus de bornes en entendant le marquis appuyer :

— Certes ! Cela, on peut le dire. Mlle Lilian ne nous reçut pas de son plein gré.

— Que prétendez-vous exprimer ainsi ?

La question avait jailli avant que le professeur eût songé à la retenir.

Il lui sembla qu’un sourire moqueur passait, tel un éclair, sur les traits du milliardaire. Et celui-ci, avec une bonhomie plus angoissante qu’une menace :