Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/297

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La portière se referme d’un claquement sec, le coupé s’ébranle bon train.

Il file, longeant le bord du Rock-Creek. Sur l’autre rive, Allan distingue le quartier de Georges Tower ou de West-Washington, le cimetière de Oak-Hill, puis l’observatoire naval.

Plus loin, le véhicule roule en bordure du jardin zoologique, sous les feuillages duquel se font entendre parfois des rauquements, des cris, des abois, que sans doute les animaux rassemblés en ce lieu, fauves ou autres, lancent dans leur sommeil. Ces bruits expriment peut-être des rêves de liberté.

Un dernier détour, et le coupé stoppe à la lisière d’une forêt, dont les arbres se dressent ainsi qu’une barrière d’ombre.

C’est le parc de Rock-Creek, bois de six cent cinquante hectares, qui s’étend jusqu’aux limites septentrionales du district de Colombia, territoire annexé, à la capitale fédérale des États-Unis.

Le coupé s’éloigne dès que le professeur est descendu.

— Oh ! murmure-t-il, pourvu que les gamins soient plus fidèles que les hommes !

Et il s’enfonce dans l’ombre épaisse du bois. Le bruit de ses pas étouffé par les mousses qui tapissent le sol. Il évite les allées sablées. On croirait qu’il suit, à travers les massifs, une piste visible pour lui seul. Il a fait cinquante pas quand une voix jaillit d’un fourré.

— Trois, dit-elle !

Sans un mouvement de surprise, Allan riposte :

— Quarante-sept !

Et le professeur de West-Point passe. Cent mètres plus loin, d’un amoncellement de rochers s’élance le nombre :

— Cinquante-cinq !

Toujours impassible, l’interpellé répond :

— Moins cinq !

Il progresse encore de quelques pas. Alors, du haut d’un arbre descend le chiffre :

— Vingt-sept !

Jud réplique encore :

— Vingt-trois !

Le jeune homme marche toujours. Il circule à travers un fourré d’arbustes qui s’épaissit de plus en plus. Enfin, les plantes se rejoignent, formant une muraille de verdure, où ne se distingue aucune brèche.