Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/434

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Le jeune homme se redressa. Il parut grandir et avec une majesté souveraine dont son interlocuteur se sentit dominé :

— Vous refusez de répondre, parce que vous n’osez me proposer ouvertement d’être le complice d’un nouveau crime.

— Va pour le crime… N’en est-ce pas un plus grand que de marchander le salut à son père ?

L’aventurier s’arrêta, stupéfait. Allan secouait lentement la tête.

— Toute ma vie, j’ai combattu le crime… Un dévouement m’a donné la conscience du bien, du vrai. Le vagabond a compris l’honneur.

Il y avait une douleur si vraie, si inconsolable dans l’accent de Jud, que Frey resta muet. Des idées troublantes s’entre-choquèrent en son cerveau.

— Puis-je me retirer sans être inquiété ? fit-il d’une voix sourde.

Allan tressaillit :

— Oui ; mais deux de mes fidèles vous accompagneront.

— Dans quel but ?

— Vous remettrez entre leurs mains Porfirio Raëz et cette personne que vous appelez Rouge-Fleur.

— Vous voulez les interroger ?

— Sur l’honneur, je ne leur adresserai aucune question. Je leur interdirai toute explication.

— Alors, en quoi vous intéressent-ils ?

— Ils pourraient être victimes.

La réponse sonna funèbre dans le crâne de Jemkins :

— Moi seul ne trouverai point grâce devant vous.

Avec une mélancolie très douce, Allan murmura :

— Ni vous, ni moi…

Les poings de l’aventurier se crispèrent, mais il répliqua :

— Jemkins aussi paie ce qu’il promet. Que l’on m’accompagne. Je remettrai ceux que vous voulez sauver… le diable m’emporte si je comprends pourquoi.

Deux Indiens le suivirent jusqu’à l’hacienda.

CHAPITRE XIV

LE BANQUET NOIR


À quelques pas, appuyé à l’un des piliers du temple, le marquis de Chazelet rêvait.