Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/58

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— C’était en Angleterre, reprit Larmette. J’avais été amené chez le célèbre docteur Crookes, qui faisait courir tout Londres, en effectuant devant ses invités, sous le contrôle le plus sévère, des expériences de matérialisation d’esprits. On nous avait présenté ainsi, dans un salon, une ravissante forme de jeune fille… une forme impalpable, à travers laquelle cannes, tisonniers, pincettes passaient librement, bien qu’elle fût précise pour nos regards. Elle répondait, je m’en souviens, au nom de miss Betsy. Je riais, très incrédule, m’obstinant à ne voir là que le travail d’un habile illusionniste. Le docteur me regardait en fronçant les sourcils. Tout à coup, il s’adressa à moi.

— Vous croirez un jour au mystère des esprits, me dit-il. Je vais vous ouvrir immédiatement la voie de la foi.

« Et, d’un accent qui m’impressionna, il psalmodia :

« — Esprit errant, toi qui fus créé pour accompagner l’esprit du gentleman ici présent, montre-lui ta forme matérielle, afin qu’il puisse te reconnaître au jour de rencontre et qu’il vienne à la vérité.

« Je ne riais plus. Pourquoi ? Je ne saurais l’expliquer. Un lourd silence régna dans la salle. Puis, je ne pus réprimer une exclamation. Au centre du cercle formé par les assistants, une colonne de brouillard venait d’apparaître. Elle eut des flottements, des mouvements, comme un voile de brume que tiraille le vent.

« Et, insensiblement cette vapeur se condensa en une silhouette féminine, se présenta à mes regards stupéfaits.

« C’était vous.

Mme Patorne s’exclama :

— Moi ?

Dick Fann se figura sans doute le visage des deux causeurs, car le sien se dilata en un large rire silencieux.

— Bon, grommela-t-il pour lui-même. Ce Larmette est décidément un adroit coquin. Faire la cour à Patorne, voilà une idée que je lui envie. Désormais, elle lui appartiendra corps et âme, et miss Fleuriane aura auprès d’elle un espion de tous les instants. Très fort ! très fort !