Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/142

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— Et de mouron courant, oui.

— D’autre part, M. Fleck vous semble trop sacrifier au champignon amadou, et vous voudriez, sous le couvert de l’aconit, capter la vertu du saxifrage ?

Elle frappa joyeusement ses mains l’une contre l’autre.

— C’est cela ! C’est cela !

Pour les personnes peu familières avec cet argot fleuri, les phrases ci-dessus peuvent se traduire ainsi.

— M. Niclauss vous apparaît odieux…

— Et ridicule, oui.

— D’autre part, M. Fleck vous semble trop peu soucieux du bonheur des autres, et vous voudriez, de façon anonyme, contrecarrer ses projets.

— C’est cela ! C’est cela ! s’était écriée la jeune fille.

Ainsi qu’on le voit, la conscience de la blonde Allemande, endormie jusqu’alors, se réveillait.

Était-ce bien la conscience ? Les nouvelles dispositions de Lisbeth n’étaient-elles point un hommage à l’amabilité de son interlocuteur ?

Le Français, né malin, dit-on, né bon, naïf et tendre, devrait-on dire, remportait la victoire, par le seul fait de sa bienveillance et de son honnêteté de race.

— La chose est aisée, reprit-il, il vous suffira de me prévenir des complots de ces messieurs. Sans leur rien dire, nous y mettrons obstacle. Personne ne pourra vous accuser. Quant à ce Niclauss, ne lui marquez pas votre éloignement. Le moment venu, je me charge de lui faire comprendre poliment qu’il peut retourner en Allemagne.

Elle souriait.

— Et mon père ?

Morlaix fut sur le point de répliquer :

— Votre père est une affreuse canaille.

Mais il se contint, en songeant que la civilité interdit de parler ainsi à une enfant de l’auteur de ses jours, et tout en conservant intacte son appréciation, il l’enveloppa d’un euphémisme :

— Votre père est aveuglé par l’amour paternel ; il sera donc facile de lui faire entendre raison.

— Vous croyez ?