Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taxerais plus haut que toutes ces señoras ; mais tu es pauvre, et je te rends la liberté pour un joyau plus précieux que les piastres… pour un sourire.

« — Mais je suis riche, moi Anita Stiggs, m’écriai-je, espérant qu’à moi aussi, le bandit allait demander un sourire.

« Savez-vous ce qu’il a eu l’audace de me jeter à la face… Ceci :

« — Oh ! señora, garder la fortune et perdre la femme, votre mari serait trop heureux. Jamais Moralès ne travaillera au bonheur d’un Américain. Vous serez libre sous la condition d’être le… facteur de vos amis. Je vous avertis d’ailleurs que demain à midi, nous pendrons ceux dont la rançon n’aura pas été payée. Le salut de votre âme me garantit que vous serez messagère fidèle.

À ces souvenirs, Anita piaffait littéralement. Elle n’était plus blanche, mais cramoisie.

Sans doute le capitaine trembla qu’un coup de sang malencontreux ne le fit veuf au beau milieu de la conversation, car il éleva la voix :

— Je vous demanderai la permission d’achever la lecture de la missive de M. Albin Gravelotte.

Ces mots apaisèrent la créole.

— C’est juste, lisez, mon doux ami, lisez. Je vois dans les beaux yeux de miss Daalia qu’elle attend, avec impatience la conclusion de cette correspodance.

Stiggs profita aussitôt de la permission et se reprit à lire :

« — Ah ! ah ! répondis-je, l’insaisissable ! Je voudrais bien être à votre place.

« Le señor Moralès daigna sourire.

« — N’enviez pas ma place. La vôtre est meilleure, car si vous êtes prisonnier, il dépend uniquement de vous de mettre fin à votre captivité.

« — S’il ne dépend que de moi, je suis votre homme.

« — Je le pensais aussi. Vous avez un visage trop franc pour n’être pas épris de la liberté. Veuillez donc me prêter toute votre attention.

« — Je vous la prète, non sans intérêt, fis-je avec la joie que procure toujours un mauvais calembour.

« Ah ! j’allais être cruellement puni de ce jeu que