Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/352

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Du coup, Albin enveloppa la demoiselle de compagne d’un coup d’œil effaré. Elle semblait partager le sentiment d’Eléna, alors que, lui, ne parvenait pas à découvrir ce qu’il y avait de comique dans sa question.

Mais la gentille veuve était lancée. Elle reprit :

— La Martinique, c’était très droit, et d’une sollicitude réellement sélect : mais vous savez faire toujours mieux, toujours plus fort.

— Ah ! soupira Gravelotte, en qui la folie montait.

— Oui, vous avez été admirable, au Brésil.

— Admirable ?

— Indubitablement. Puisque, moi, je vous ai admiré.

— Vous ?

Le jeune homme se prit la tête à deux mains. Son crâne lui semblait prêt à éclater.

— Vous m’avez vu au Brésil, vous ?

Elle secoua la tête :

— Non.

— Non, maintenant ?

— Et j’en ai du regret beaucoup, car la rencontre plus hâtive eût probablement épargné la traversée du Pacifique.

— Le Pacifique, à présent !

— Et la réunion à Batavia.

Batavia ! Ce nom de ville brilla dans le cerveau d’Albin comme un phare. À la bonne heure ! Batavia… là, il avait passé.

— En effet, je connais Batavia. 

— Et Samarang aussi ?

— Et Djokjokarta, et l’affreux volcan Mérapi.

Le quiproquo eût pu continuer longtemps ainsi ; mais Mable, qui, depuis le discours de Moralès, ne cessait de trembler, psalmodia d’un ton lamentable :

Vous avez le cœur gai, mistress, de vous réjouir, quand vous savez que ces gentlemen et nous-mêmes, pauvres petits nous, devons périr demain !

À cette annonce sinistre, tous se rapprochèrent des nouvelles venues. Lisbeth, qui songeait dans un coin sortit de l’ombre et se mêla au groupe.

— Mourir demain, pourquoi ? comment ?

Jetées sur une pente nouvelle, les idées d’Eléna mirent une teinte grave sur ses traits.

— C’est la volonté de Moralès.