Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/68

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pensait comme toi et qu’il me défendît de voir Souria, je devrais obéir… et cela me rendrait triste, triste à pleurer… Car elle a mon affection, Souria.

— Je serai muette comme le tigre à l’affût.

Il y a un instant de silence.

Puis, comme frappée d’une idée subite, Daalia reprend.

— Écoute, Rana.

— Je t’écoute, mon joli Papillon d’or.

— La sieste va durer une demi-heure encore.

— À peu près.

— Si nous partions de suite.

— Tu veux ?

— Oui, comme cela, personne ne s’opposera à notre sortie.

La nourrice se prit la tête à deux mains :

— Le maître grondera. T’exposer au soleil du milieu du jour.

— Le soleil ? Qu’est-ce pour nous ? Je suis une Soumhadrienne, comme toi, ma bonne Rana, et non une de ces Européennes faibles et malades. Le soleil nous dore, nous autres, alors qu’il mange leurs couleurs et qu’il les pâlit, pâlit comme des mortes.

La vieille se redressa, une flamme joyeuse pétilla dans ses petits yeux noirs, aux paupières ridées. Ce lui était un orgueil que sa fille de lait consentît à se déclarer Malaise, à dédaigner le titre d’Européenne.

Non que les indigènes soient hostiles aux conquérants ; ils éprouvent pour les blancs une admiration morale et une pitié physique. Admiration pour le savoir supérieur, pitié pour le tempérament débilité par le climat.

Aussi Rana ne fit-elle plus aucune objection.

Cinq minutes plus tard, une voiture légère, abritée sous un vaste parasol rayé bleu et blanc, et attelée d’un de ces petits chevaux javanais, vifs, pétulants, infatigables, apparaissait dans la cour.

Déjà Daalia, prête au départ, l’attendait.

Elle fit monter Rana en la pressant un peu. Puis elle-même sauta sur le siège, saisit les rênes et enveloppant le cheval dans la caresse du fouet, elle rendit la main.

Le léger véhicule sortit de la cour et s’engagea dans