Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/99

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— Vous ne m’aimez pas, Narcisse ?

— Comment, Narcisse ? bougonner sourdement Gavrelotten, vous voulez dire Niclauss ?

— Non, Narcisse, indifférence.

Un haussement d’épaules accueillit l’explication.

Heureusement, sept heures sonnèrent.

— Sept heures, compta l’oncle François, il est temps de dîner.

Dîner. Le vocable tentateur ramena le calme sur toutes les physionomies.

— À table, pensa Niclauss, l’insupportable Rana fera trêve à ses plaisanteries de mauvais goût.

Erreur profonde !

On passa dans la salle à manger. La nappe était mise, le couvert dressé. Mais là, la nourrice eut une nouvelle lubie.

Elle voulut qu’on lui installât, devant une fenêtre, une petite table, où elle prit place avec ses deux « fiancés ».

L’oncle François et les autres invités s’établirent donc autour du plateau d’érable rouge veiné de brun de la table d’honneur.

Et le repas commença.

Tout d’abord, on servit un délicieux potage, sorte de bisque malaise, confectionnée à l’aide de crevettes, d’écrevisses, d’huîtres et de rimoc, coquillage bivalve très apprécié par les naturels de l’archipel.

Le fumet de cette préparation est exquis.

Déjà, Niclauss se léchait les lèvres, oubliant les épreuves passées devant la satisfaction gastronomique qu’il se promettait.

Soudain, il eut un cri de désespoir.

— Un peu de sel ? avait dit la nourrice.

Et vlan ! elle venait de vider la salière dans l’assiette du malheureux Gavrelotten.

Avec une prestesse merveilleuse, elle glissa en sourdine à Albin :

— Maintenant, souriez de tout.

Et revlan ! elle renversa la poivrière dans le potage du Français.

Celui-ci ne s’émut pas.

Faisant avec les gestes furibonds de son rival la plus parfaite antithèse, il modula d’un accent de parfaite gratitude :