Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/116

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monta jusqu’au capitaine, en passant par tous les grades.

Les passagers furent de l’avis du marmiton ; équipage ou personnel servant l’adoptaient également.

Si bien que, le soir venu, le steamer paru envahi par des échos malicieux. Dans les cuisines, aux machines, des cabines de toutes classes, sur le pont, sur la passerelle, au gouvernail, une même phrase se grommelait, se chuchotait :

— Les Anglais sont des goinfres.

Et dans la huit bleutée, sous la clarté des étoiles, dont le scintillement est un sourire, le vent, s’enroulant autour des mâts, glissant le long des cordages, paraissait siffler :

— Les Anglais sont des goinfres.

On eût encore cru que les énormes cheminées soufflant leur fumée noire, pouh ! pouh ! haletaient :

— Ah oui ! des goinfres !

Voilà comment, grâce aux proverbes : « La voix du peuple est la voix de Dieu », « La vérité sort de la bouche des enfants », fut consacrée une des plus grandes injustices du siècle ; comment la sobriété reconnue des Saxons fut niée, à cause de l’impossibilité absolue pour une prêtresse d’Incatl de se passer de déjeuner.


VI

LES TRIBULATIONS S’ÉTENDENT À DEUX LADIES


Pourtant tout le monde, à bord, ne croyait pas à la culpabilité des deux Anglaises.

À cette heure nocturne, où les échos calomniateurs