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IV

ÉTRANGE RENCONTRE


Sur une population totale de deux cent mille habitants, la Martinique comptait environ huit mille blancs, dont six mille, résidant à Saint-Pierre, avaient disparu en même temps que la malheureuse cité.

Les gens de couleur, nègres, mulâtres, quarterons, oubliant que trente mille des leurs gisaient sous les ruines calcinées, avaient constaté seulement l’extinction presque complète des créoles (blancs sans mélange) de l’île. De là à déclarer que l’éruption du mont Pelé était une manifestation de la colère divine, dirigée contre queïoles, pour que li bons nègues, bons mulates, y soient li maîtres di Matinique, il n’y avait qu’un pas.

Il fut franchi.

Bien plus, les épidermes colorés voulurent aider la fureur céleste, en supprimant les blancs échappés au cataclysme. Des scènes de violence, de pillage (li bon nègue est un tantinet voleur) se produisirent, et les autorités de Fort-de-France, capitale de l’île bouleversée, eurent peine à maintenir l’ordre, avec l’aide de la garnison.

Tous les fuyards, en effet, confluaient vers Fort-de-France. Des plantations, des villages situés hors de la zone d’action du volcan, de longues caravanes d’êtres affolés, en proie à une irrésistible panique, accouraient à ce chef-lieu administratif.

Dans les grandes catastrophes, l’homme devient faible ainsi qu’un enfant ; il éprouve le besoin de se