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DU TARIM À L’AMOU-DARIA.

— Le Transcaspien, s’écria-t-il !… et là, sur la rive gauche, la ville de Tcharjoui.

Mais comme le gentleman exprimait un doute :

— Je reconnais le pont de bois d’Annenkov, qui, sur quatre kilomètres, porte les trains de Samarcande.

— Vous êtes déjà venu ici, dit Aurett.

— Oui, dans un fauteuil.

— Vous dites ?

— Que j’ai lu le livre illustré de mon ami Napoléon Ney « De Paris à Samarcande » et que je retrouve ici « l’original » de ses dessins.

Une heure plus tard, le radeau accostait un peu en amont du pont de bois, chef-d’œuvre d’audace et de patience, accompli en six ans par le premier bataillon des chemins de fer russes.

— Nous allons à la gare, fit alors Armand.

— En savez-vous aussi le chemin ?

— Rien de plus facile.

Et avisant un Sarte qui passait :

Vodza ? lui dit-il sur le ton de l’interrogation.

L’homme répondit des paroles incompréhensibles, mais ses gestes étaient clairs. Il fallait tourner à gauche, puis à droite.

— Vous ne nous aviez pas dit que vous saviez le russe, fit en souriant la jeune fille.

— Je ne connais que ce mot-là, « Vodza », toujours par le livre de mon ami… je m’en suis souvenu à propos, n’est-il pas vrai ?

Rachmed intervint.

— Je vais assurément vous quitter ici, puisque vous allez vers l’Occident, jusqu’au pays qui touche la mer ; ton pays, à toi, mon vaillant maître… Mais à Tcharjoui, je peux encore vous rendre service, je comprends et parle suffisamment la langue de nos frères slaves… Ne sont-ils pas un peu des asiatiques comme nous ?

— Merci, brave Rachmed, fils d’Iskender… Je commence à croire que la légende dit vrai et que vous avez du sang d’Alexandre le Grand dans les veines, car tu as été, en ces jours de péril, aussi courageux qu’habile… Merci, ton offre peut encore nous être utile ; mais je suis bien tranquille, le chef de cette gare doit parler le français…

— D’où vient cette assurance ? demanda Murlyton.

— Il est nécessairement officier russe et appartient au bataillon des chemins de fer…