Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/182

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Les malheureux transportés avaient une terrible épée de Damoclès suspendue sur leur tête. C’était l’article Draconien de ce Code relatif aux récidives, qui sont le cas normal pour transportés et libérés astreints à la résidence fixe. Des actes passibles seulement de la prison pour des condamnés de droit commun, entraînaient pour les transportés le retour au Pénitencier pour une durée minimum de cinq ans, et la peine maximum de vingt ans de bagne pouvait être portée au double. Ainsi, j’ai vu condamner à mort un faux-monnayeur pour avoir fabriqué une pièce du Pape de cinquante centimes en plomb. Il faut dire que ce transporté avait déjà été condamné à perpétuité pour crime de fausse monnaie. À cause de la récidive, on devait, d’après la loi, lui appliquer la peine supérieure à la perpétuité, c’est-à-dire la peine de mort. Inutile de dire que le transporté ne fut pas exécuté ; sa peine fut commuée en cinq ans de double chaîne ; mais strictement, selon la lettre du Code, on aurait dû l’exécuter.

Le Capitaine B***, Président du Conseil de Guerre. — Mon ami le capitaine B***, le fameux chanteur grivois, était Président de l’un des deux Conseils. Ce n’était point pour lui une sinécure, car ce Conseil se rassemblait deux fois par semaine, ayant, à chaque séance, trois ou quatre affaires à juger. Il est vrai qu’avec l’ami B*** les affaires ne traînaient point : vingt à trente minutes au plus lui suffisaient. L’avocat de l’accusé, nommé d’office, généralement un sous-officier de la garnison, sachant pertinemment qu’un semblant de plaidoirie ne servirait absolument à rien, se bornait à recommander l’accusé à la clémence du Tribunal : cette clémence se traduisait généralement par le double du maximum, soit quarante ans de travaux forcés. C’était un tarif tout fait. Pour les condamnés aux travaux forcés à perpétuité qui revenaient