Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/222

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bien riche, qui commande à la France, sa propriété. Quant aux soldats, ce sont les esclaves du gouvernement. Allez donc faire goûter le système parlementaire à de pareils gaillards ! Mettez-leur dans la tête le service obligatoire, et comment il se fait que, pour civiliser problématiquement un Nègre, on envoie mourir de maladie le fils d’un paysan de la Normandie, ou d’un vigneron du Bordelais, dans un pays malsain, ou le faire tuer par un sujet de Behanzin au Dahomey ! Cependant, le Tirailleur Sénégalais conçoit la discipline à sa manière, et on peut tout obtenir de lui, quand on sait le commander.

Les Noirs regardent avec de grands yeux toutes les merveilles de la civilisation. Au début, cela les étonne, mais ils s’y font, et, chose curieuse, ils ne cherchent pas à se les expliquer. Ils ont tout dit, quand ils ont dit : « C’est encore une invention du Toubab. » Le chemin de fer du Sénégal, le télégraphe, le téléphone, les canons rayés, la dynamite avec lesquelles on abat les murs de leurs tatas (réduits fortifiés), rien de tout cela ne fait travailler leur obtuse cervelle. Le grand dadais, fils de mon propriétaire, qui lisait et parlait le Français, me disait un jour, quand je voulus lui prêter un Cours de Physique élémentaire, pour l’instruire. « Les Blancs sont riches, ils savent et peuvent beaucoup, mais chacun son tour, et un jour viendra où le Noir en saura autant que le Toubab. »

Quelle que soit l’éducation que vous donniez au Noir, vous ne changerez pas plus son esprit que si vous essayez de changer la couleur de sa peau, et comme dit le proverbe, à vouloir blanchir un Nègre le barbier perd son savon. Au point de vue moral, nous commettons une erreur aussi forte en cherchant à faire entrer dans le cerveau d’un Nègre nos idées d’Européens et de civilisés.