Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/307

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à leur place des engagés Néo-Hébridais. Ce fut d’ailleurs ce qui lui sauva la vie ainsi qu’à sa famille. Il arma ses Néo-Hébridais avec quatre ou cinq vieux fusils qu’il avait dans sa ferme, et les Canaques, le voyant sur ses gardes, n’osèrent pas l’attaquer.

Le grand Chef Ataï et Madame F***. — Le commandant Rivière donne de curieux détails sur l’amour d’Ataï, le grand chef de la révolte, pour madame F***, la veuve d’un capitaine d’artillerie, qui exploitait une concession.

« Mme F*** plut à Ataï le grand promoteur de la révolte. Il était son voisin et venait souvent la voir. Il lui apportait des fruits et elle lui offrait du café, du pain et du vin. Il fumait sa pipe sous la véranda, pendant qu’elle s’occupait à quelque ouvrage de femme, et ils causaient. Dans ces jours de cérémonie, il avait une tunique d’officier d’infanterie, avec des galons d’or et un képi comme la plupart des chefs, mais le plus ordinairement il était nu. D’ailleurs cette nudité d’un rouge noir, un peu cuivré, à laquelle elles sont très habituées dans la brousse, ne choque plus les femmes. Ataï était grand, très fortement constitué, et très intelligent ; mais il avait quarante-cinq ans, ce qui n’est plus la jeunesse pour un Canaque, la tête grosse, le sommet du crâne chauve et les oreilles pendantes et largement percées à la mode du pays. Il s’éprit de Mme F*** et, un beau jour, il lui proposa tout à coup et fort tranquillement de l’épouser. Mme F*** demeura stupéfaite et refusa. Ataï, à plusieurs reprises, revint à sa proposition et ne fut pas plus heureux. Son dépit fut peut-être quelque chose dans sa révolte. Il y a presque toujours une raison féminine qui détermine les grands projets. J’ai dit plusieurs fois à Mme F*** qu’elle aurait dû se dévouer et qu’elle aurait empêché l’insurrection. Elle n’y a pas contredit, mais elle