Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Le matin, c’est au marché que les Tahitiennes habitant Papeete et les environs, après avoir fait leurs provisions de poissons et de fruits, se rassemblent devant des tables où des Chinois leur vendent du thé, du café, du beurre, des gâteaux, etc. Puis elles rentrent chez elles pour y prendre leur repas principal, qui a lieu vers onze heures, et que les hommes ou les femmes âgées préparent. À peine est-il fini et les restes distribués aux animaux domestiques, errants en grand nombre autour des cases, qu’elles procèdent à leur toilette. Les nattes sont étendues, et elles se livrent à la sieste, inévitable sous le soleil des tropiques, et qui dure jusqu’à environ deux heures. Alors, toujours allongées, mais formant le cercle, les jeux de cartes, qui passionnent énormément les Tahitiennes, commencent ; la cigarette roulée dans une longue feuille de pandanus, dont chaque Vahiné tire deux ou trois bouffées de fumée qu’elle rend lentement par le nez, passe de bouche en bouche. Celles qui ne se livrent pas aux émotions de l’écarté ou du poker se racontent les événements de la soirée précédente, en fredonnant des chants du pays, accompagnés par un accordéon ou des guimbardes. Le soir, lorsqu’il n’y a pas d’upa-upa ou de musique, c’est dans la rue de la Petite-Pologne, l’une des principales rues de la capitale et qui est le but commun de leurs promenades, qu’elles se donnent rendez-vous. Là, côte à côte, le chapeau canotier entouré de guirlandes de fleurs et de feuilles odorantes, posé sans façon sur le sommet de la tête, se tenant d’une main par le petit doigt et de l’autre relevant, non sans grâce, la traîne de leurs longues robes de mousseline blanche, rose ou bleue, elles vont et viennent, fredonnant des airs nationaux. Ainsi s’écoule, dans une fête perpétuelle, la jeunesse de la femme Tahitienne. Hélas ! le temps a promptement flétri cette fleur