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NAPOLÉON

tant sur les ordres qu’il a donnés, le ravitaillement qui doit se trouver sur la route, ne doutant pas de sa fortune, toujours dans l’attente d’un événement heureux qui viendra tout arranger, une diversion de Schwarzenberg, peut‑être. Pour ces raisons, il est « aussi indécis », dit Caulaincourt, « aussi incertain le dernier jour que le premier ». Puis, quand il devient impossible de fermer les yeux à la ruine de la Grande Armée, une attitude « grave, silencieuse et résignée, souffrant moins de corps que les autres, mais bien plus d’esprit et acceptant son malheur ».

Il y avait dix‑sept jours que l’on était en marche, contenant les Russes qui harcelaient l’armée et la poursuivaient de près, lorsque la neige se mit à tomber. C’était le commencement des grandes souffrances. Le même jour une estafette arrive, apporte des nouvelles de Paris. Quelles nouvelles ! Une sorte de Baylen politique, et, tandis que l’empereur absent subissait ses premiers grands revers, ce qui pouvait encore arriver de pire. Un militaire républicain, le général Malet, mêlé aux conspirations des dernières années, détenu dans une maison de santé, s’en est évadé. Revêtu de son uniforme, aidé de deux autres généraux, dont l’un, Lahorie, a été chef d’état‑major de Moreau, Malet n’a eu qu’à annoncer la mort de l’empereur et la proclamation de la République. Pendant quelques heures il a été maître de Paris. Il a arrêté le ministre de la Police Savary et le préfet de Police Pasquier. Démasqué, arrêté à son tour, l’affaire n’a pas eu de suite si c’est n’en pas avoir que le ridicule jeté sur les autorités impériales et l’odieux de douze condamnations à mort. L’empereur se soulagea d’abord en disant que tout cela était l’œuvre d’imbéciles, aussi bien ceux qui s’étaient laissé surprendre et tromper que ceux qui, par des châtiments aussi durs, avaient donné tant d’importance à un coup de main. Il était, au fond, gravement affecté. « Ce ne peut être l’affaire d’un homme », répétait-il. Il se représentait un vaste