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NAPOLÉON

tailles, le trahit avec les Alliés, avec Louis XVIII, au‑dedans et au-dehors. Le moins grave, ce sont encore ces intelligences avec l’étranger et avec le roi réfugié à Gand. Mais c’est Fouché qui fait élire les députés, d’anciens camarades de la Convention, des terroristes qui sortent de leur retraite, des hommes de 93, et, ce qui vaut encore moins pour Bonaparte, des hommes de 1789. La Fayette lui‑même. La Chambre de Fouché rira lorsqu’un représentant aura proposé de décerner à l’empereur le titre de sauveur de la patrie. « Vous me trahissez, monsieur le duc d’Otrante ; j’en ai les preuves. » En conseil des ministres, Napoléon accablera Fouché de paroles outrageantes : « Je devrais vous faire fusiller. » Fouché se vante d’avoir répondu : « Sire, je ne suis pas de votre avis. » L’empereur gardera l’insolent. Il osait à peine punir au temps de sa puissance. Maintenant, il remet tout au moment où il sera victorieux, s’il remporte une victoire décisive. Pour ressaisir l’autorité, il ne peut plus compter que sur la fortune des armes, et il a perdu la foi, il est accablé de pressentiments.

C’est à celui qu’il appelait naguère son oncle, c’est à Louis XVI qu’il fait penser pendant cette bizarre cérémonie du Champ de Mai qu’il a fallu reculer jusqu’au Ier juin parce que, telle qu’il l’avait promise, elle était irréalisable, mais dont il ne se dédit pas tant il croit à la nécessité de se retremper dans une manifestation populaire, surtout après le plébiscite ratificateur qui n’a donné que treize cent mille suffrages, portés péniblement à quinze, pas même la moitié des plébiscites d’autrefois. L’Acte additionnel ne satisfait personne, déçoit les uns parce qu’il n’est pas assez libéral, et, parce qu’il l’est trop, consterne les partisans de l’autorité. Le Champ de Mai devait renouveler la fête de la Fédération de 1790 et la distribution des Aigles en 1804. Ce fut à la fois lugubre et fantastique, une parodie de l’Empire par l’empereur. On vit Napoléon pa-