Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/90

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le surveiller, il lui bouche l’œil en lui donnant à manier les fonds des contributions de guerre. Les hommes, ne commence-t-il pas à les connaître, à les traiter selon leur mérite ? Les petits moyens en même temps que les grands, pourvu qu’il agisse à sa guise.

C'est la bonne. Les instructions du commandant en chef lui laissent sur un point la liberté du choix. Il doit, selon les circonstances, porter la révolution en Piémont et détrôner le roi de Sardaigne, ou bien ménager les Piémontais et les attirer dans une « alliance avantageuse ». Sa tâche étant avant tout de battre les Autrichiens et de les chasser d’Italie, il va droit à l’essentiel. Il a autre chose à faire que de renverser les despotes quand ce n’est pas nécessaire, et ce n’est pas avec trente mille hommes qu’il peut vaincre l’Autriche et imposer les principes français aux Italiens si les Italiens ne les demandent pas. Des plans du Directoire, il retient ce qu’il y a de plus simple et de plus pratique. Il n’a pas de préjugés contre les représentants d’une vieille cour comme celle de Turin. Pourvu que l’armée d’Italie soit débarrassée d’un adversaire, le « roi des marmottes » peut rester sur son trône. Le négociateur débutant sait à la fois rassurer et inspirer la crainte. En quelques jours, l’armistice est conclu, signé à Cherasco, avec de bons gages, des communications sûres. Le mois d’avril n'est pas fini que le Piémont est hors de cause. À son tour, le duc de Parme, effrayé, se soumet en quelques heures. Celui-là donne deux millions, des approvisionnements, des œuvres d’art. Bien que Bonaparte ait outrepassé ses pouvoirs, le Directoire ne souffle mot. L’argent, qui lui manque tant et qui lui arrive par charretées, l’émerveille. Il sourcille à peine aux proclamations où le général, s’adressant aux Italiens, leur promet, avec la liberté, le respect de leur religion. Nouveauté, pourtant, et qui en annonce d’autres.

Ces précautions prises, Bonaparte se porte contre