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Page:Jaime, Tréfeu - Croquefer.djvu/7

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CROQUEFER.

Boutefeu, fais circuler les coupes de l’amitié ! (À Mousse-à-Mort.) Donnez-vous la peine d’entrer. Oh ! tu peux venir tout seul, avec la plus grande confiance. (Mousse-à-Mort tire un écriteau sur lequel on lit : MÉFIONS-NOUS ! Il enjambe les créneaux.)

FLEUR-DE-SOUFRE, traversant la scène, le vin rouge à la main.

J’ai mon idée.

BOUTEFEU.

J’ai une idée sublime ! ça chauffe, c’est le moment de vous cuir…

CROQUEFER.

Assez.

BOUTEFEU, de même.

De vous cuirasser, c’est ça… méfiez-vous.

FLEUR-DE-SOUFRE.

Mon père, ne buvez pas de vin rouge.

BOUTEFEU, mettant du poison dans le vin blanc, bas à Croquefer et à Ramasse-ta-Tête.

Ne buvez pas de vin blanc.

RAMASSE-TA-TÊTE.

Du vin ! allons donc, du vin ! quand on peut boire du rhum ! (Il se verse et boit à part.)

CROQUEFER.

Buvons à la fin de la guerre et à mon futur mariage.

FLEUR-DE-SOUFRE, versant du vin rouge, à Croquefer.

Buvez donc !

BOUTEFEU, versant du blanc, à Mousse-à-Mort.

Buvez donc !

FLEUR-DE-SOUFRE, versant aussi du rouge à Boutefeu.

Mais buvez donc.

TOUS.

Buvons. (Ils boivent et font la grimace.)

CHANSON.
CROQUEFER.
À vos santé, je bois,

Buvons.
Avec plaisir je vois,
Buvons.
Qu’entre nous ce vin frais,
Buvons,
Va cimenter la paix,
Buvons.

FLEUR-DE-SOUFRE.
Au choc de vos verres,

Tin tin tin,
Plus de fronts sévères,
Plus de chagrin.

REPRISE ENSEMBLE.
Au choc de vos verres,

Tin tin tin,
Plus de fronts sévères,
Plus de chagrin.

DEUXIÈME COUPLET.

Par l’amitié toujours
Buvons (bis).
Du temps charmons le cours,
Buvons (bis).
Pour moi, j’ai le dessein,
Buvons.
De vivre en bon voisin,
Buvons (bis).

FLEUR-DE-SOUFRE.
Au choc de vos verres,

Tin tin tin,
Plus de fronts sévères,
Plus de chagrin.

TOUS.
Au choc de vos verres, etc.
CROQUEFER.

Et dire que je n’ai pas pensé plus tôt à ce mariage qui met fin à nos guerres intestines.

BOUTEFEU, bas à Croquefer.

Dorez-leur la pilule.

CROQUEFER.

Quel cauchemar !

FLEUR-DE-SOUFRE, bas à Mousse-à-Mort.

Mon père, faite signe à vos hommes d’armes de monter… nous les tenons tous ! ils sont empoisonnés.

MOUSSE-À-MORT.
(Il fait signe qu’il comprend.)
FLEUR-DE-SOUFRE.

Avouez, Croquefer, que pour continuer la bataille, vous n’aviez plus ni armes, ni soldats !

CROQUEFER.

Ah ! ça, j’avoue…

RAMASSE-TA-TÊTE.

Plus de soldats ! (On entend le son de la trompette.) Écoutez !

CROQUEFER.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

RAMASSE-TA-TÊTE.

Votre armée, seigneur !

CROQUEFER.

Mon armée !

BOUTEFEU, bas.

Oui, les cuisinières, vos vassales, que j’ai équipées avec la batterie de cuisine. (Au même moment on entend au dehors le son du cor.)

CROQUEFER.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

FLEUR-DE-SOUFRE.

Vous êtes nos prisonniers !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mais ventre de diable ! c’est une trahison !

FLEUR-DE-SOUFRE.

Oui, oui, à cheval, mon père, et sus aux Croquefer ! (Mousse-à-Mort sort.)

CROQUEFER.

Trahison ! Ah ! si je n’avais pas avalé mon bon sabre de Tolède !

BOUTEFEU, l’entraînant.

À cheval ! Monseigneur !

CROQUEFER.

Mais, mon Dieu ! que je suis donc fâché d’avoir un écuyer comme ça ! (Ils sortent.)


Scène IX.

RAMASSE-TA-TÊTE, FLEUR-DE-SOUFRE, les hommes d’armes, puis les filles et les enfants armés.
FLEUR-DE-SOUFRE, à Ramasse-ta-Tête.

Qu’en dis-tu, Ramasse-ta-Tête ?

RAMASSE-TA-TÊTE.

Bien joué ! bataille, morbleu !… (La trompette se rapproche. Entrée de six hommes d’armes. Fleur-de-Soufre se met à leur tête.)

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mais convenons que le vaincu épousera le vainqueur !..

FLEUR-DE-SOUFRE.

J’accepte ! (Entrée de femme armées avec la batterie de cuisine et des petits marmitons. Marche ; évolution. Après la marche, Croquefer apparaît à cheval ; évolution.)

CROQUEFER.

Guerre à mort ! Je m’y mets difficilement, mais une fois que j’y suis, ça m’est égal… Mousse-à-Mort… (Entrée de Mousse-à-Mort à cheval.) Ah ! te voilà ; tu fais la tête parce que tu as une hache d’arme, Boutefeu, apporte-moi une arme.

BOUTEFEU, apparaît sur un âne.

Que le combat sanglier… singulier commence. (Combat.)

CROQUEFER.

Sac à papier ! je crois que.

BOUTEFEU.

Je n’ai pourtant pas bu de vin blanc.

CROQUEFER, même jeu.

Nom d’un petit bonhomme, je crois que…

MOUSSE-À-MORT, tire un panneau sur lequel on lit.

Oh ! la ! la !

CROQUEFER, qui a lu la pancarte de Mousse-à-Mort.

C’est ce que je voulais dire. Oh ! la ! la ! la ! (Ils veulent recommencer le combat, mais ils se sentent pris de colique.)

QUINTETTE.
CROQUEFER ET BOUTEFEU.
Ô ciel ! grands dieux ! que sens-je ?

Un feu brûle mon cœur !
C’est douloureux, étrange,
Je cède à ma douleur !

FLEUR-DE-SOUFRE.
Mon père ! ah ! comme il change !

L’effroi glace mon cœur !
Moi qui fis le mélange,
Aurais-je fait erreur ?

RAMASSE-TA-TÊTE.
Qui donc leur prend ? les change ?

Qu’ont-il ? Quelle pâleur !
C’est surprenant, étrange,
Je crains quelque malheur !

(Croquefer et Mousse-à-Mort finissent par se sauver chacun de son côté.)