Aller au contenu

Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’amour !… Je suis très fier de ce que vous venez de dire là, Sensitive, et je partage votre opinion sur la société. Je l’ai vue trop basse, trop servile, trop cruelle, pour ne pas la détester, et si vous tenez à la scandaliser, moi, je me ris d’elle !

— Mon Dieu ! s’écria Andréa, comment peut-on dire tant de bêtises ? Vous raisonnez comme des enfants. C’est absurde !

Sylvestre jeta un long regard aigu à sa cousine. Il murmura négligemment :

— Je crois que ce que nous ferons là sera infiniment moins absurde que vous paraissez le croire, Andréa…

Mlle Ryès eut l’intuition de tout ce que Sylvestre ne disait pas pour ne pas effrayer son amie. Elle supposa qu’il venait d’avoir une explication pénible avec ses parents, qu’ils ne voulaient pas entendre parler de ce mariage, persuadés que cet amour lui passerait, et qu’il ne faudrait, pour leur forcer la main, rien moins que cette sorte d’action d’éclat du déshonneur, de cet Austerlitz du scandale et de la honte.

Elle n’osa plus protester, mais elle demeura inquiète et triste de l’avenir maussade qui perçait entre les paroles du jeune homme.

Celui-ci regarda la pendule :

— Quatre heures ! C’est l’heure de la Cote. Il faut que je m’en aille !

Il se leva à la hâte, serra les mains de ses amies, donna à Virginie rendez-vous pour un jour de la semaine suivante et partit au plus vite.

Quand le bruit de la porte eut résonné dans toute la maison, Virginie s’élança en pleurant dans les bras de Mlle Ryès :

— Il ne m’épousera pas, disait-elle en sanglotant, ses parents ne voudront jamais.

— Mais si, mais si, répétait Andréa.

Malgré les assurances de sa confidente, Virginie continuait à se désoler, et Andréa Ryès dut passer à la consoler le reste de l’après-midi, jusqu’à l’heure où la bonne vint la chercher pour la ramener rue Saint-Savournin.