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Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/169

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agaçait comme une sottise et exaspérait comme une injustice.

— Cela ne te regarde pas, fit Puget avec hauteur.

— Et si je tiens tout de même à le savoir ?

— Eh bien ! s’écria le fougueux Samoëns, nous disions que c’est tout de même toi qui as tué Combette !

Délussin devint pourpre de colère. On crut qu’il allait se jeter sur Samoëns, et des autres groupes, des enfants accoururent pour voir ce qui allait se passer. Mais Délussin ne bougea pas, et, comme il sentait sa position dangereuse, il entra en composition.

— Ah ! vous disiez cela ? Eh bien, j’aime autant à le savoir, parce que ça n’est pas vrai. Sachez, tas de moules, cria-t-il, que le premier qui répétera cette bêtise-là aura affaire à moi, je ferai de la marmelade avec son museau. C’est moi qui vous l’affirme. Combette était à moitié crevé déjà, est-ce que vous ne l’avez pas tous vu ? Et d’abord, de quoi est-il mort ? D’un crachement de sang, n’est-ce pas ? Un crachement de sang, ça vient des poumons, du gosier, de l’estomac, de je ne sais où, mais pas de la tête toujours. Je l’ai fait tomber sur le front ! C’est donc pas de ça qu’il a crevé !

Il se gardait bien de se souvenir du formidable coup de tête donné dans les omoplates de sa victime. Ses camarades se taisaient. Il termina ainsi son homélie :

— Et puis, si Combette est mort, c’est un bon débarras. C’était un sale cafard. Si vous le regrettez, vous êtes de fameux mollusques. Et maintenant, ne parlons plus de tout cela, et qu’on se le dise ! Gare à celui qui se permettra la moindre allusion à ce sujet !

Toute l’école Saint-Louis-de-Gonzague assista le lendemain aux obsèques du malheureux Combette. On vit s’avancer, derrière le corbillard, un petit vieillard malingre, voûté, trébuchant, une pauvre loque d’humanité, vacillante et douloureuse, que deux hommes soutenaient par les bras et qui sanglotait et sursautait à chaque ressaut de la voiture, comme si c’était sur son cœur qu’elle roulait.

Sa femme morte depuis longtemps, il ne lui restait plus au monde que ce fils, l’objet de toutes ses tendresses,