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Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/83

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— Si, si. Je vous demande pardon, j’avais confondu. Leurs camarades arrivèrent, on joua aux dominos. Quand la partie fut terminée, on se sépara en se donnant rendez-vous pour le lendemain.

M. Augulanty revint songeur chez lui.


XI

OÙ LE LECTEUR NE POURRA QU’APPLAUDIR À LA DÉCONVENUE D’UN PERSONNAGE


Il ne pouvait mettre en doute les paroles de Louis Caillandre. Or, il savait pertinemment que vingt mille francs avaient été remis à Mme Pioutte. Il en avait donc disparu quinze mille. Qu’étaient-ils devenus ?

En marchant dans la ville à demi déserte, Augulanty, stupéfait, ahuri par une pareille nouvelle, se le demandait. Les plus absurdes hypothèses se présentaient à son esprit. Caillandre aurait-il eu un arriéré de dettes ? Impossible. C’était un garçon économe et rangé. Et d’ailleurs, il venait de déclarer que sa femme avait apporté cinq mille francs, et non point qu’il ne lui restait que cette somme. Cécile gardait-elle cet argent pour elle-même, afin de solder des dépenses qu’elle n’avouerait pas à son mari ? Son caractère n’autorisait guère une telle supposition. Alors, quoi ?

La chaleur et la poussière flottaient dans les rues avec ce grand souffle de l’été, qui est brûlant comme une haleine et brusque comme un poulain en liberté. Les maisons aux volets clos du boulevard Longchamp avaient un air d’abandon ; des valets sévères causaient au seuil des portes, les mouches dansaient aux devantures des épiciers et des confiseurs et regardaient curieusement à travers les vitres, comme si elles étaient les seules personnes qui voulussent encore faire un achat, les fils électriques vibraient dans les arbres verts au passage des tramways, et le digne M. Augulanty, tourmenté par la solution du problème inattendu qui se présentait à lui,