Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/100

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aussi longtemps que je continuerais de soutenir cette vieille tradition de la culpabilité des maîtres de l’enfance qui entretiennent des terreurs et des superstitions. Oui, il me tenait, on pouvait le dire, et dans un étau : car qui m’absoudrait jamais, qui me sauverait de la corde, si, par la plus légère allusion, j’introduisais, la première, un élément aussi atroce dans nos relations si normales ? Non, non, vraiment, il était inutile d’essayer de faire entendre à Mrs. Grose — presque autant que d’essayer de le traduire ici — combien, pendant notre duel rapide et amer, là, dans le noir, il éveilla en moi presque de l’admiration. Je fus, naturellement, pleine de douceur et de bonté. Jamais encore mes mains ne s’étaient posées avec autant de tendresse sur ses jeunes épaules, tandis que je m’appuyais à son lit. Je n’avais pas d’autre alternative que de lui poser la question, — lui en poser une, du moins : « Il faut me parler maintenant, me dire la vérité. Pourquoi êtes-vous sorti ? Et que faisiez-vous dehors ? »

Je vois encore son étonnant sourire, le blanc de ses yeux magnifiques, et l’éclat de ses dents briller dans le demi-jour.

« Si je vous le dis, comprendrez-vous ? »

Mon cœur me battait dans la gorge : allait-il me dire le pourquoi ?

La voix me manqua pour l’en presser, et je me rendis compte que ma seule réponse fut un vague et grimaçant hochement de tête. Il était la douceur même, et tandis que je me tenais devant lui, en continuant ce malheureux hochement, il semblait, plus que jamais, un jeune prince de conte de fées. Oui, ce fut sa sérénité qui me donna du répit. Si vraiment il s’apprêtait à me faire sa confession, en aurait-il montré une pareille ?

« Eh bien, dit-il, à la fin, tout exprès pour que vous fassiez ça.

— Que — pour changer — vous pensiez du mal de moi ! »