Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/74

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Normande, et même, au second jour de ce long voyage, elle fut pour ainsi dire adoptée par une vieille dame qui lui servit de chaperon.

En ce moment la France entière était occupée de la maladie à laquelle le vieux roi Louis XIV devait succomber. Les voyageurs demandaient, à chaque relais, quelles étaient les nouvelles de Sa Majesté, non pas que le roi fût encore populaire, il y avait déjà longtemps que l’amour du peuple s’était retiré de sa personne ; mais si grande était la majesté royale, elle tenait tant de place en ce bas monde, qu’un si grand prince ne pouvait pas disparaître après un si long règne, sans que le royaume entier s’inquiétât d’un pareil changement dans ses destinées.

Dans les auberges les plus infimes, les charretiers eux-mêmes s’informaient de la santé du monarque. Un soir, à la couchée, il y avait dans un cabaret des hommes d’assez piètre mine, et plus semblables à des brigands qu’à des philosophes, qui, après avoir parlé du roi, se mirent à disputer sur la pluralité des mondes, aux grands étonnement et contentement des voyageurs. Au bout de huit jours de cette course à travers monts et vallées, le carrosse arriva au Plat d’Étain, qui était, comme on sait, le but suprême et le rendez-vous de tous les nouveaux venus dans Paris. Aussitôt arrivée, la vieille dame qui semblait avoir adopté la jeune orpheline, lui fit à peine un signe de tête et disparut dans le détour de ces carrefours pleins de tumulte. Elle avait si grand’peur, cette dame prévoyante, de se charger d’une infortunée qui lui avait raconté naïvement qu’elle ignorait ce qu’elle allait devenir ! Déjà la nuit tombait, le temps était à la pluie, et la maison des Miramiones se trouvait à l’autre bout de Paris. Mlle de Launay, portant sous son bras le peu de