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SPÉCULATIONS

les lieutenants de louveterie, sous prétexte d’avancement — nous aimons mieux croire : par adaptation au milieu, leurs fonctions ne s’exerçant plus sur des fauves, mais sur l’air du temps — deviennent capitaines aérostiers.

À signaler également la disparition imminente des cris : Au voleur ! à l’assassin ! etc. La police, avec un flair exquis ou le peuple, dans un beau zèle de lynchage, supprime incontinent les citoyens qui, par leurs actes ou par une supposition arbitraire d’autrui, offrent quelque prétexte à des interjections propres à troubler la quiétude publique. C’est ce qu’on appelle laver son lynchage au sein de sa famille. Les seules acclamations tolérées doivent être précédées de la mention : Vive, afin de bien marquer que l’on s’exerce les poumons par pure hygiène au sujet d’un tel, mais sous la réserve expresse qu’il ne sera pas pour cela mis à mort.

Notons encore et surtout une vocifération remarquable par sa singularité, notons-la avant qu’elle ne rejoigne les espèces éteintes de vociférations. Il s’agit du cri : Au drapaud !

À n’en pas douter, et en ne faisant appel qu’au plus élémentaire bon sens et à la plus grossière linguistique, ce cri a pour but de convoquer le plus grand nombre possible de courageux citoyens à l’extermination d’un ennemi commun. C’est dans cette intention que l’on