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SPÉCULATIONS

l’homme qui, en raison de sa force naturelle ou, le plus souvent, grâce à des armes qu’il s’est procurées et a appris à manier, se met à l’abri du danger. On est beaucoup moins inquiet de la pluie sous un toit ou un parapluie, et du tonnerre sous un paratonnerre au bon fonctionnement duquel on croit ; et il est extrêmement rare qu’un homme bien vigoureux et armé jusqu’aux dents s’intimide devant un adversaire de débilité notoire et dépourvu de moyens de défense. Le schéma le plus véridique du courage nous paraît le suivant : Hercule, la massue levée sur un petit enfant qui commence juste assez à savoir marcher pour entrevoir l’envie de se sauver. La tendance à la réalisation de ce type idéal du courage se manifeste dans les armées permanentes et dans tout l’appareil des armes. Dans ce premier cas, l’état de courage est une assurance.

Dans un second cas, celui où le solide gaillard armé en rencontre un autre plus solide et mieux armé, le courage ne peut plus être qu’une ignorance ou une attention distraite. Cette ignorance s’entretient par des concepts variés et diverses formes de langage. Ainsi, chaque peuple se répète qu’il est le plus puissant et le plus courageux de la terre, qu’il est « à la tête » de l’humanité. Malheureusement, l’humanité est une espèce de bête ronde avec des têtes tout autour.