Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/113

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au cléricalisme, c’est ainsi qu’il verse dans l’armée, dans la magistrature, le plus qu’il peut de jeunes gens hostiles à l’esprit de la démocratie et de la Révolution.

Il y a un autre point très grave que M. Ranc n’a pas signalé. Le parti clérical essaie un peu partout de créer dans nos campagnes une sorte d’enseignement secondaire destiné à accaparer peu à peu la petite bourgeoisie rurale. Il fonde dans les cantons ruraux des établissements religieux : les professeurs, qui sont des prêtres, ne coûtent pas cher, et ils vivent d’ailleurs sur le budget occulte de l’Église, manié sans contrôle par les évêques et archevêques ; les vivres ne coûtent pas cher non plus, et on peut avoir ainsi des internats à bon marché. Ces établissements n’ont pas une destination tout à fait fixe. Ils préparent aux grands séminaires et aux carrières civiles ; ils mènent au baccalauréat ou ils s’arrêtent en chemin, selon la clientèle recrutée par eux. Par la modicité du prix et par la proximité, ils attirent la petite bourgeoisie rurale du canton : les fils des petits propriétaires aisés, des paysans riches qui commencent à parler français et qui ont quelque ambition. Ces jeunes gens, même si on n’en fait pas des bacheliers, entreront dans les administrations publiques, achèteront des charges d’huissier ou de greffier, ou bien, tout simplement, reviendront au domaine