Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/303

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pouvoirs d’ancien régime, quand elle était l’alliée de la noblesse ou de la vieille bourgeoisie contre-révolutionnaire contre la bourgeoisie nouvelle, celle-ci, détestant et redoutant l’Église, aimait l’Université. Sous Louis-Philippe, l’Université est en pleine faveur, parce que la bourgeoisie triomphante redoute surtout un retour offensif des carlistes, des nobles, des vieilles forces sociales groupées naguère autour du roi légitime. Elle hait aussi, assurément, le peuple ouvrier, le peuple de Lyon et de Paris ; mais elle ne le redoute pas : elle le méprise ; elle sait qu’elle a pu lui reprendre la Révolution et la République comme un jouet à un enfant ; elle compte sur ses Casimir-Perier pour écraser la révolte des affamés, et il ne lui vient pas à l’esprit que les discussions historiques ou métaphysiques auxquelles se livre, sous la direction de l’Université, la jeunesse bourgeoise, puissent être entendues, même de loin, par le prolétariat misérable. Au demeurant, les théoriciens universitaires lui enseignent, en histoire, l’avènement nécessaire et définitif du tiers-état ; en métaphysique, l’incarnation de la raison impersonnelle en une élite pensante et gouvernante. La bourgeoisie donne à l’Université honneurs, prébendes, monopole, et l’Université répond, par ses historiens, que la bourgeoisie est l’aboutissant de l’histoire ; par ses philosophes, qu’elle est la révélation de Dieu.