Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/335

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chercheurs ? Au moment même où, par des découvertes incessantes qui troublent l’étranger, ils prouvent leur génie. Toutes les intelligences dans l’armée sont en éveil, et l’on veut faire le sommeil en elles, sous prétexte de surexciter en un corps spécial la puissance d’invention et de progrès ! Est-ce que ce n’est pas pour l’armée une fierté et, par conséquent, une force d’être commandée, d’être conduite au péril par ceux-là même qui ont perfectionné ses moyens d’attaque et de défense ? Est-ce qu’elle ne sera pas plus grande, lorsqu’elle portera en elle, avec toutes les forces du cœur, toutes les forces de l’esprit ? N’est-ce pas l’amoindrir que de lui retirer le génie en ne lui laissant que le courage ? Et, dans notre siècle où les hommes confinés en un milieu s’y réduisent et s’y rapetissent, n’est-il pas bon que quelque part au moins, dans cette puissante réunion d’hommes organisée pour le salut de la liberté et du pays, la vie d’action et la vie de pensée se complètent l’une l’autre ?

Oui, il faut faire l’armée à l’image de la démocratie ; mais c’est pour cela que, comme la démocratie, l’armée doit avoir l’égalité pour base et la science pour sommet. Plus elle sera éclairée et pensante, moins elle risquera, en des jours de défaillance que rien, il est vrai, ne fait prévoir en notre France, d’être un instrument inerte aux mains d’un despote hasardeux.